vendredi 21 décembre 2007

Desillusion - partie 2


Tagadak... tagadak....
C'est un matin comme tant d'autres pour lui.. mais pourtant ce matin il est assez joyeux. Il sent encore la montée du guitariste Gary Rossington lorsque le chanteur entame "I'm a Freeeeeeebird !!!" et la pousée du solo mélodique derrière. Toute la virtuosité de ses jeunes années lui donne un sourire nostalgique. Complétement écrasé sur la banquette du métro, il se surprend même à siffler et chantonner l'air du vieux tube.
"Chatelet les Halles". Il reste encore une quinzaine de minutes à tuer avant d'arriver à destination, et c'est généralement le moment propice pour sortir le "20 minutes" auquel les habitués retranchent toujours 5 minutes de blabla politique inintéressant.
La rubrique préférée des parisiens matinaux, ce sont tout d'abord les avis de grêves et seulement ensuite les faits divers. Trop heureux de savoir qu'ils auront un métro pour rentrer chez eux le soir, et bien content de voir que la violence et l'insécurité ne les a pas encore frappé.
Tellement absorbé par la lecture d'un article prévenant les dangers de la surconsommation de surgelés, il ne s'est même pas aperçu que le wagon affichait complet maintenant. C'est le bruit des discussions qui lui fit lever le regard et baisser doucement son journal en papier recylcé. Et doucement, il la vit pour la toute première fois. Ces secondes là, il ne les oublia jamais, jusqu'à son dernier souffle de vie, quarante trois ans plus tard, lorsque son coeur avait décidé qu'il était trop fatigué.
Il baisse doucement son journal et aperçoit quatre mèches brunes en bataille. Sous cette coiffure sans soin tranche un petit visage d'une finesse infinie, et deux grand yeux noirs dans lesquels pour la première fois il eut le vertige, lui qui avait l'habitude de se pendre chaque jour à des nacelles élevées à plusieurs centaines du mètres du sol. Il vacillait bien assit dans son siège...
Elle arbore avec nonchalence un casque de walkman et semble perdue dans la contemplation blème des tunnels noirs du métro. Solidement assoupie dans une grosse écharpe en laine, elle dénote singulièrement des autres passagers de la rame qui s'entassent de plus en plus à chaque arrêts.
Il la trouve parfaite. Innocente, rêveuse, sensible et innofensive. Tout est parfait d'ailleurs, si ce n'est l'étouffante foule qui s'engouffre dans le wagon à la chaleur oppressante qui tranche avec le froid hivernal de Paris. Si ce n'est cette veste rembourrée qu'il porte pour le proteger de ce même froid. Si ce n'est son téléphone portable et cet opinel bon marché qui grossissent outrageusement la poche intérieur de sa doublure. Non, à part ces menus détails, tout est parfait ce matin.

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