Il y a plus de quarante ans, un 3 novembre, Godzilla a fait une entrée triomphale dans les salles de cinéma, à l’occasion du premier film de Ishiro Honda. Remontons donc un peu le temps, afin de voir comment le fameux reptile radioactif a conquis le grand écran.
En 1952, suite au succès remporté par une réédition de King Kong (1933), des producteurs américains décident de réaliser un film à base de dinosaure géant lâché dans les rues de New York. La créature préhistorique, baptisée Rhedosaure, résulte des premiers balbutiements de la technique du stop-motion inventée par le créateur de films d’animation, Ray Harryhausen, appelé à devenir l’un des plus prestigieux créateurs d’effets spéciaux de l’industrie cinématographique mondiale. The Beast from 20.000 Fathoms, tel est le titre du film, production à petit budget, obtient pourtant un bon succès commercial.

A la même époque, au Japon, la célèbre firme cinématographique Toho charge l’un de ses maîtres, Tomoyuki Tanaka, de réaliser un film de guerre en collaboration avec l’Indonésie. Mais alerté par le succès financier de The Beast from 20.000 Fathoms, Tanaka décide d’ajourner le tournage du long métrage guerrier, pour se consacrer à un remake du film américain. Il intitule provisoirement son projet Daikaju no Kaitei Niman Maru – Le grand monstre venu de 20.000 lieues sous les mers.
Ayant obtenu l’autorisation de faire son film, le producteur reçoit de Eiji Tsuburaya, étoile montante parmi les créateurs d’effets spéciaux, un premier synopsis simplement intitulé « G ». L’écriture définitive du scénario est confiée à Shigeru Kayama, expert ès science-fiction. Le moment est à présent venu de donner à l’œuvre son titre définitif. Un membre du staff de la Toho, de taille particulièrement imposante, a été surnommé pour cette raison « Gojira » (contraction de « Kujira », en japonais Baleine, et du mot occidental « Gorille »). Tanaka s’en souvient et décide de baptiser son film Gojira.
Le monstre du synopsis conçu à l’origine par Tsuburaya était une sorte de pieuvre géante. On substitue à celle-ci un formidable saurien amphibie qui, monté des eaux de l’océan, détruit la ville de Tokyo avant de tomber victime de l’oxygen destroyer, arme mise au point par le Dr Serizawa.
Tsuburaya, également chargé de réaliser les effets speciaux du film, s’en remet à l’experience de collaborateurs tel que Akira Watanabe, qui travaille le look de la créature, et à Sadami Toshimitsu, qui réalise la maquette d’argile en trois dimensions.
Tsuburaya ayant choisi entre trois prototypes la version définitive, les techniciens entreprennent de fabriquer la combinaison de caoutchouc que devra revêtir un acteur. Haruo Nakajima, doublé dans certaines séquences par Katsumi Tezuka, est le mime choisi pour tenir le rôle du monstre. Le malheureux endurera une véritable torture : le costume est un carcan d’un poids écrasant, à l’intérieur duquel il cuit à petit feu. En dépit de quoi, au fil des vingt ans à venir, Nakajima interprétera régulièrement Godzilla, sans parler d’une pléiade d’autres monstruosités produites par la Toho…

L’acteur costumé se déplace rapidement sur un plateau miniature. On le filme à une vitesse supérieur au standard. Projeté à vitesse normale (24 images par seconde), le reptile préhistorique semble se mouvoir avec lenteur, ce qui confère à la scène toute sa puissance dramatique. Même l’écroulement des décors prend un coup de réalisme impressionnant !
Dans certaines séquences, on fait appel à la technique du stop motion et à des mannequins de toutes tailles. Et pour rendre la souffle radioactif de Godzilla, on met au point une animation simple, en dessinant directement sur la pellicule.
Détail à connaître, le rugissement du monstre, devenu depuis son trademark, est obtenu au moyen d’un roulement de contrebasse, repris à l’octave au-dessous par un instrument à corde frotté par un gant de cuir brut.
La mise en scène du film, notamment celle des séquences avec acteurs, est confiée au génie créatif de Ishiro Honda, qui de concert avec Tanaka, Tsuburaya et Takeo Murata, contribue à la mouture définitive du scénario. Honda deviendra par la suite le plus représentatif des réalisateurs japonais d’après-guerre. L’accompagnement musical servant de soutien sonore à l’image est l’œuvre de Akira Ifukube, qui le compose sans avoir pu visionner une seule des séquences déjà tournées.
Outre ce changement d’état civil, les Américains souhaitent rendre le film plus attractif au public occidental. Le metteur en scène et monteur Terry O. Morse est chargée par les distributeurs américains de tourner des scènes supplémentaires avec Raymond Burr (Perry Mason de la TV). Après quoi, Morse remonte habillement le film de façon à faire de Steve Martin, chroniqueur de Chicago – alias Burr- un personnage central du drame.

En bonus, un joli cadeau, une merveilleuse vidéo hommage au Godzilla de 1954 avec le mythique Thème de la saga signé Akira Ifubuke. Enjoy !
A suivre ....